Cérémonie du centenaire de la Guerre et du 75ème anniversaire de la libération de la Corse

Le mardi 23 octobre la municipalité a célébré le centenaire de la Grande Guerre de 14-18.
Comme chaque année, les commémorations au souvenir de la Corse combattante font l’objet d’une attention particulière de la part du Conseil municipal de Ghisonaccia. Cette journée était d’autant plus particulière puisque nous avons également célébré le 75ème anniversaire de la libération de la Corse. Premier département Français libéré en octobre 1943.

Nous étions très heureux de compter parmi nous la jeunesse de Ghisonaccia avec trois classes de l’école primaire et une classe de seconde du lycée de la plaine. Participants au devoir de mémoire, une poignée d’élèves a lu les lettres de Jacques-François Guidicelli. Né à Serra di Fium’Orbu, soldat au 32 ème régiment d’infanterie, il est mort en 1917 à l’âge de 24 ans.
Après cette émouvante lecture, Francis Giudici, Maire de Ghisonaccia et Monsieur Gérard Gavory, Préfet de la Haute-Corse ont, chacun, lu leur discours afin de pérpétuer le devoir de mémoire.

Retour sur la cérémonie en photos : 

Discours de Monsieur le Maire, Francis Giudici :

Mr le Préfet,
Madame la Directrice de l’ONAC, Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs les Présidents des associations patriotiques, Mesdames et Messieurs les représentants des Corps Constitués, Messieurs les Porte-Drapeaux,
Madame la proviseure de la cité de la Plaine, Mesdames et Messieurs les enseignants, Chers élèves,
Chers amis,

Bonjour et merci d’avoir répondu tous présents à l’invitation de la municipalité de Ghisonaccia pour commémorer ensemble la fin du Centenaire de ce premier conflit mondial.

Cette Guerre 1914/1918 appelée Grande Guerre dans toutes les langues par ses contemporains tant elle a constitué une rupture dans l’histoire du monde et tant elle a dépassé en durée, en intensité et en douleur tout ce que l’homme avait pensé avoir vu de pire auparavant.

Le sous préfet de Reims disait :

« Nous l’appelons la Grande Guerre. Nous en avons le droit. Elle a fait de nous ce que nous sommes :
les enfants d’un grand pays diminué  du  meilleur  d’une  génération, aux villes anciennes ruinées, aux villages rasés, aux usines détruites, aux forêts brûlées, aux terres pourries.
Tout y fut démesuré : la durée, la brutalité, les ravages, la souffrance, l’hécatombe et aussi le courage. Et le chagrin.
Tellement, que toutes les larmes ne purent être versées. »

 Cette histoire de la Grande Guerre nous passionne, nous questionne et fait souvent débat voire polémique.
Mais, le but de cette cérémonie est tout autre.
Elle est de rassembler sur un même espace et sur le même temps des hommes et des femmes de tous horizons, des très jeunes, des jeunes et des moins jeunes autour d’une idée et ensuite autour du verre de l’amitié pour partager.

Pour partager un moment où la famille dans toutes ses composantes se retrouve autour d’un feu de cheminée.
Cette famille, c’est la Nation, quel que soit l’origine, la religion, le genre sexuel ou les idées politiques de ses membres.
Cette cheminée, c’est ce monument aux morts où sont tombés tant de jeunes de Ghisonaccia, qui, pour la plupart, n’avaient que quelques années de plus que Kenzo Santoni ou Marcu Maria Canutti, qui ont lu avec brio les deux textes poignants que nous venons d’entendre.

Deux textes qui nous parlent de deux inconnus devenus héros anonymes et dont le destin est bouleversant car terriblement humain.
Car terriblement nôtre.
Ces deux inconnus avaient le même visage que le nôtre. Ils auraient pu être vos fils, vos frères, vos pères.

Sur notre monument aux morts figure le nom d’un homme, du 173 ème régiment d’infanterie dit régiment des Corses.
Ce régiment qui a porté l’emprunte des enfants de cette terre et qui a marqué durablement les esprits partout où il est passé, partout où ses Hommes sont tombés.

L’Homme dont je vous parle, c’est le numéro de matricule 0851 de la classe 1906.Numéro 1733 lors du recrutement à Ajaccio.
Cet Homme porte un nom, c’est François Xavier Bracconi, enfant de Ghisonaccia où il est né le 1er septembre 1886.
Il repose aujourd’hui aux monuments aux morts des Corses à Saint Quentin dans l’Aisne au numéro de sépulture 3434.
Oui, beaucoup de numéros les enfants, qui nous font réfléchir au caractère inhumain de ces conflits où l’homme ne se résume plus qu’à un matricule, qu’à quelques chiffres froids et sans âme.

C’est bien pour refuser cette idée que nous sommes ici aujourd’hui et que nous allons distribuer la fiche militaire de Francois Xavier Bracconi.
Pour savoir que ce fils de Ghisonaccia, fut tué à l’ennemi le 11 octobre 1918 à Seboncourt, aux fermes bellecourt forte, un mois jour pour jour avant l’armistice.

Francois Xavier Bracconi est ainsi le dernier soldat corse tué au champs d’honneur.
A ce sujet, une délégation de l’amicale du 173 ème et du 373 ème régiment d’infanterie s’est rendue, il y a peine 3 mois dans l’Aisne pour honorer nos combattants.
J’ai tenu à y associer notre commune en remettant la médaille de la ville de Ghisonaccia à madame le Maire de Grougis qui a rendu hommage aux poilus par l’intermédiaire de Monsieur Maurice Chiaramonti, Cher Maurice, vous êtes présents parmi nous aujourd’hui et je vous remercie solennellement pour votre engagement au service du souvenir.

Ce mot souvenir qui peut paraître désuet pour certains doit nous faire réfléchir.
Il ne s’agit pas de se souvenir pour se donner bonne conscience ou pour entretenir des conflits passés mais bien pour comprendre les mécanismes et les sentiments qui ont entraîné ce cataclysme humain.

Ces mécanismes ne sont pas seulement ceux d’un temps passé et lointains. Et Ils peuvent très vite redevenir ceux de demain si nous n’y prenons pas garde.
Si nous n’avons pas la force et le courage de réfléchir collectivement et d’ agir collectivement devant des situations conflictuels.

Il ne s’agit pas pour moi de faire appel à un pacifisme naïf et aveugle qui consisterait à s’élever contre la guerre en oubliant l’agresseur mais d’essayer toujours de donner la meilleure place aux sentiments humains les plus nobles.

Parmi ces sentiments et ces valeurs, il y a le refus de l’intolérance et de la discrimination.

Devant la barbarie, le refus du combat s’avère pire que tout, comme nous l’a montré les accords de Munich et la faiblesse de nos démocraties devant la montée du nazisme.
Ce qui faisait dire de manière plus général au philosophe irlandais Edmund Burke que « si le mal triomphe, c’est par l’inaction des gens de bien”.

Enfin, ce mois en ce mois d’Octobre, date de la Libération de la Corse, Premier département français libéré, je voudrais terminer cette allocution par un mot simple afin de saluer l’engagement sans faille de tous ceux qui ont contribué à nous rendre libres en luttant, souvent jusqu’au sacrifice suprême contre le fascisme et le nazisme.

Ce mot s’adresse à la valeureuse armée d’Afrique, aux soldats du bataillon de Choc, aux résistants et à tous nos alliés.

Ce mot, c’est Merci. Merci car,
Du 18 juin 1940 au 8 mai 1945,
Du débarquement du sous marin Casabianca à la Libération de Bastia, vous fûtes les grands acteurs d’une autre grande Histoire.

De celle que l’on continue et que l’on va continuer à raconter aux plus jeunes des siècles plus tard, autour d’un feu de cheminée, d’une flamme de la Résistance qui ne s’est jamais éteinte et d’une flamme du souvenir qui ne s’éteindra jamais.

Elle ne s’éteindra jamais grâce à toi Yassir, grâce à toi Chiara, grâce à toi Emma et grâce à tous les élèves du lycée, du CP, du CM1 B, du CM 2 A. qui ont participé à cette cérémonie et que je vous demande d’applaudir. Merci à leurs enseignantes Mme Matta, Madame Poletti et Madame Chiodi. Merci à tous.