Marie-Noëlle Stolfi : « On a laissé à l’abandon les territoires ruraux comme le nôtre »
Les Echecs Club du Fium’Orbu organisaient le week-end dernier les qualifications pour les
Championnats de Corse à la salle des fêtes de Ghisonaccia. L’occasion pour le club présidé par
Christian Dehainault de rassembler plus d’une centaine de jeunes et ainsi de montrer la vitalité d’une
pratique sportive et cérébrale de plus en plus prisée. Enseignante en milieu scolaire et au sein du
club depuis plusieurs années, Marie-Noëlle Stolfi nous dévoile les ambitions contrastées des Echecs
en Costa Serena.
Quel était l’objectif du tournoi de dimanche dernier ?
Ce tournoi avait pour but de qualifier les enfants du territoire, à savoir les enfants de Travo, Prunelli,
Ghisonaccia et Aléria, ceux de la Costa Serena. A l’issue de cette manifestation, certains enfants se
sont qualifiés pour participer aux championnats de Corse qui se tiendront les 11 et 12 mars prochains
à Corte. Nous avons battu tous les records de participation, je pense que nous aurions pu d’ailleurs
quasiment doubler le nombre d’inscrits. Nous avons même refusé des enfants car cela aurait été trop
lourd à gérer au niveau organisationnel. Toutes les catégories d’âges de 6 à 15 ans étaient
représentées. Ce sont des qualificatifs par région qui ont été organisés sur l’ensemble des territoires
de l’île, à Bastia, Ajaccio, la Balagne, Porto Vecchio.
Combien de jeunes se sont qualifiés pour les championnats de Corse ?
33 enfants ont été sélectionnés. La sélection se fait aussi par rapport au nombre d’enfants qui
bénéficient d’un enseignement aux échecs tout au long de l’année. En gros, je m’occupe d’environ
750 scolaires.
Votre plus grande difficulté ?
Etant seule formatrice sur le territoire, c’est compliqué pour moi de répondre de manière positive à
toutes les inscriptions. Par exemple, à Ghisonaccia, j’ai refusé énormément d’enfants sur l’année. Je
suis toute seule, le club est itinérant et n’a pas de salle dédiée. Le mardi, je suis à Ghisonaccia. La
mairie met à ma disposition une salle de classe et le cours se fait juste après l’école. J’ai déjà 33
enfants uniquement pour Ghisonaccia d’où la nécessité et l’obligation de refuser du monde car c’est
impossible de donner des cours à davantage d’enfants. Il y a même des parents qui inscrivent leurs
enfants en fin de période scolaire pour être certains d’avoir une place à la rentrée de septembre. Sur
Aléria, c’est la même chose, j’ai refusé du monde. A Prunelli, c’est différent, la municipalité a mis à
notre disposition une salle nous permettant d’accueillir aussi des adolescents et des adultes.
Quelles sont vos idées, vos pistes de réflexion pour intensifier la pratique des échecs en plaine
orientale ?
Vous savez, c’est toujours la même chose, cela fait des années que je demande à avoir un formateur
supplémentaire auprès de la Ligue Corse d’Echecs. Le budget de la Ligue a été, pendant des années,
relativement conséquent mais on a privilégié pendant des années des régions comme Bastia et
Ajaccio. Je pousse un coup de gueule, on a laissé à l’abandon les territoires ruraux comme le nôtre.
Nous sommes vraiment les laissés pour compte. Au niveau de la politique de la Ligue, on nous a
toujours promis monts et merveilles et rien n’a été fait. Cela fait 20 ans que j’exerce ce métier, tous
les ans, j’ai des retours positifs de la part des parents, des enfants. La preuve en est ; nous refusons
du monde et nous organisons trop peu de manifestations. Nous en organisons très peu car après
avoir gardé plus de 375 enfants toute la semaine, lorsque l’on arrive en week-end, c’est compliqué
d’être en forme. Les enseignants sont tous demandeurs, je suis obligée de diviser en deux les
périodes de cours en milieu scolaire afin que tous les enfants puissent avoir accès aux échecs dont on
connait les vertus pédagogiques : le développement de la motivation, de la concentration, de la
mémoire, de la vision dans l’espace ou encore l’augmentation des facultés pour résoudre les
problèmes… Dans l’année, je m’occupe de 750 enfants. Depuis des années, je souhaite être secondée
mais cela ne vient pas. Quand des postes sont créés, ils le sont essentiellement à Bastia et Ajaccio.
Dans les villes, on permet aux enfants de devenir des élites. J’y suis favorable, ces élites représentent
ensuite la Corse aux Championnats de France mais lorsque l’on est dans des zones comme la Costa
Serena en Zone d’Education Prioritaire, cela signifie que notre jeunesse est en souffrance. Pour y
remédier, nous avons besoin de renforcer et de développer toutes les activités structurantes comme
les échecs.
Malgré l’absence de politique structurante et cet abandon du rural que vous dénoncez, il y a
toutefois de belles performances avec notamment la jeune Elora Micheli, sacrée championne de
France ?
Oui tout à fait et Elora a énormément de mérite car elle n’a pas eu l’aide qui a été apportée à
d’autres enfants essentiellement à Bastia. Elle n’a que deux heures par semaine d’apprentissage avec
un entraîneur alors qu’à Bastia, on ne compte même pas les heures d’enseignement. C’est une
grande fierté car elle a été trois fois championne de Corse et triple championne de France